
La fuite de Caliban
LâHistoire du Ier Corps Colonial dĂ©marre le 12 aoĂ»t 2883 dans le systĂšme Viking. Le Major Mark Derren et son copilote Teague forment lâĂ©quipe de la Navy chargĂ©e de lâentretien des balises de dĂ©tections automatisĂ©es dont la portĂ©e limitĂ©e devient problĂ©matique. Câest lĂ , tapi dans lâombre, hors de portĂ©e des balises, quâune formidable armada Vanduul stationne Ă proximitĂ© du point de saut vers le systĂšme Caliban. MalgrĂ© tous leurs efforts, le Major Mark Derren et Teague ne parviennent pas Ă avertir la base, ils sont interceptĂ©s par les Vanduuls et prĂ©sumĂ©s morts au combat.
Câest ce mĂȘme clan Vanduul qui, un an plus tard, pĂ©nĂ©tra le systĂšme Caliban provoquant alors sa chute. Le redoutable vaisseau mĂšre Kingship, menant la flotte Vanduul Ă la bataille, fut dĂ©cisif et le rapport de force tourna rapidement en faveur des extros. MalgrĂ© la consĂ©quente militarisation du systĂšme, les troupes de lâUEE ne firent pas le poids face Ă cet ennemi meurtrier. Ă lâheure oĂč Crion agonisait sous les attaques, un groupe de rĂ©sistants captura le dernier Idris encore amarrĂ© au chantier spatial. GrĂące Ă lâaide prĂ©cieuse de lâescadron 88, ils rĂ©ussirent Ă briser le blocus Vanduul pour Ă©vacuer Crion et abandonner Caliban Ă son triste sort.
Ainsi dĂ©buta le lent exil dans le vide cĂ©leste. Koda Fidelis, vĂ©ritable maĂźtre dâĆuvre de ce soulĂšvement contre lâoppression alien, fut nommĂ© amiral. LâIdris devint son porte-pavillon. Sa mission : reconquĂ©rir ce que nous avions cĂ©dĂ©, redonner lâespoir lĂ oĂč toute vie sâĂ©tait Ă©teinte. Câest ce jour funeste, dans les cendres du systĂšme Caliban, que naquit le Ier Corps Colonial.
LâUEE prit alors conscience que son Ă©quipement ne peut Ă ce jour rivaliser face aux puissantes armes Vanduuls. La perte de Caliban est la plus rĂ©cente dans notre histoire, et la portĂ©e de cette dĂ©faite jette une vĂ©ritable ombre sur notre civilisation. La progression sanguinaire des Vanduuls prĂ©sage dâun avenir troublant pour lâhumanitĂ©.

Le silence dâOberon
En 2885, aprĂšs l'effondrement brutal de Caliban, les survivants menĂ©s par Koda Fidelis trouvent refuge dans le systĂšme marginal dâOberon. Ă bord dâun vaisseau de classe Idris gravement endommagĂ©, sans soutien extĂ©rieur ni contact avec quiconque, ils posent pied sur Gonn. LĂ , enfouie sous les cendres et gravats, une ancienne station miniĂšre automatisĂ©e, vestige dâun vieux projet UEE abandonnĂ©, est redĂ©couverte. Partiellement pressurisĂ©e, alimentĂ©e par un cĆur de fusion dĂ©clinant, elle devient leur seul abri possible.
Mais trĂšs vite, tous comprennent que cet abri nâest quâune halte temporaire. Le site est trop exposĂ©, les ressources locales insuffisantes, et les systĂšmes vitaux de lâIdris sont toujours hors service. Le vĂ©ritable objectif est ailleurs : remettre le vaisseau en Ă©tat de saut, fabriquer de nouveaux modules Ă partir des stocks oubliĂ©s de la station, et Ă©tablir une nouvelle route dâexode viable vers les systĂšmes plus lointains.
Pendant plusieurs semaines, lâancienne station devient chantier, infirmerie, centre de coordination. Des expĂ©ditions sont lancĂ©es sur les autres planĂštes du systĂšme pour localiser des points de saut alternatifs ou rĂ©cupĂ©rer du carburant. Des drones anciens sont rĂ©activĂ©s, les baies agricoles mises en route, et des systĂšmes de navigation restaurĂ©s. Ă travers cette routine forcĂ©e, les survivants reforment une chaĂźne de commandement, rĂ©organisent les groupes par compĂ©tence, et reforgent lentement une cohĂ©sion autour dâun seul mot dâordre : survivre.
Câest ici que lâon rĂ©pare ce qui a survĂ©cu, rassemble ceux qui restent, et trace la suite du voyage. Oberon nâest pas un refuge. Câest une Ă©tape. Une escale dans le vide, entre ruine et destin, oĂč le silence des astres nâĂ©touffe pas encore la volontĂ© de tenir.

2886 - Sous les crocs de Virgil
En 2886, aprĂšs plus dâun an dâexil dans le systĂšme Oberon, les survivants de la destruction de Caliban quittent enfin leur refuge. Leur vaisseau Idris, consolidĂ© avec les moyens du bord, reste fragile mais opĂ©rationnel. Lâobjectif initial est de rejoindre le systĂšme Vega, placĂ© sous autoritĂ© UEE, dans lâespoir dâĂȘtre enfin secourus.
Mais lâaccueil espĂ©rĂ© ne vient pas. Ă leur arrivĂ©e au point de saut, les autoritĂ©s de Vega refusent tout accĂšs au convoi. Le vaisseau est formellement identifiĂ© comme propriĂ©tĂ© militaire dĂ©tournĂ©e. Pire encore, certains membres de lâĂ©quipage sont listĂ©s comme dĂ©serteurs ou fugitifs. La rĂ©ponse est ferme, sans appel : tout franchissement de la frontiĂšre sera considĂ©rĂ© comme une menace.
Face Ă ce rejet, le groupe redirige sa trajectoire vers Virgil, un systĂšme instable, rĂ©guliĂšrement frappĂ© par des raids vanduuls, mais sans prĂ©sence humaine centralisĂ©e. Câest la seule voie possible pour espĂ©rer rejoindre le systĂšme Nyx, hors de portĂ©e des lois et des blocus.
Mais la traversĂ©e de Virgil sâeffectue dans une atmosphĂšre lourde. Le silence radio est imposĂ©. Le vaisseau suit une trajectoire basse, en orbite rasante autour de gĂ©antes gazeuses et dâastĂ©roĂŻdes fragmentĂ©s, pour Ă©viter tout contact visuel. Les scanners sont rĂ©duits au strict minimum pour ne pas trahir leur signature.
MalgrĂ© toutes les prĂ©cautions, lâennemi est lĂ , prĂšs du point de saut. Un petit groupe de croiseurs vanduuls localise leur trajectoire. Trois modules de type abordeur, conçus pour percer la coque de bĂątiments lourds, sâarriment brutalement au flanc bĂąbord de lâIdris. La coque cĂšde. Les alarmes de brĂšche hurlent. Des Vanduuls en armure de choc envahissent les compartiments infĂ©rieurs.
Le combat se dĂ©roule dans les coursives. LâĂ©quipage, en sous-effectif, tient ses positions au prix de lourdes pertes. Dans les baies dâingĂ©nierie, Koda Fidelis mĂšne personnellement la contre-offensive. Il repousse un groupe de combattants ennemis dans les sections infĂ©rieures et parvient Ă sceller lâissue principale. Mais durant lâaffrontement, il est griĂšvement blessĂ©. TouchĂ© au flanc par une arme de mĂȘlĂ©e alien, il refuse dâabandonner le commandement. Lâabordage est finalement repoussĂ©.
LâIdris reste debout, mais la coque est lacĂ©rĂ©e, la pression instable dans plusieurs sections, et les pertes humaines lourdes. Il nâest plus question de ralentir. LâĂ©quipage relance le saut vers Nyx, dernier espoir dâun territoire oĂč personne ne viendra leur demander qui ils sont, ni dâoĂč ils viennent.

2886 - 2900 La reconstruction
En 2886, aprĂšs leur expulsion de Vega et leur passage pĂ©rilleux par Virgil, les survivants de Caliban atteignent finalement le systĂšme Nyx. Ce territoire non rĂ©clamĂ©, morcelĂ© et tolĂ©rant par nature, devient leur premier havre depuis la chute de Caliban. Nyx nâoffre ni accueil, ni hostilitĂ©, seulement un espace oĂč personne ne pose de questions.
Lâinstallation dans ce systĂšme nâest pas une retraite. Câest un temps de reconstruction, guidĂ© par une volontĂ© intacte : tenir bon, se relever, et prouver leur lĂ©gitimitĂ©. Si lâUEE leur a fermĂ© ses portes, aucun ressentiment nâanime le Corps. Lâobjectif reste simple et lucide : reconstruire par soi-mĂȘme, jusquâau jour oĂč leur retour sera justifiĂ©, reconnu, mĂ©ritĂ©.
Pendant trois ans, lâĂ©quipage sâintĂšgre aux circuits Ă©conomiques de Nyx. GrĂące Ă leur discipline, leur fiabilitĂ© et leur savoir-faire militaire, ses membres deviennent des partenaires recherchĂ©s pour lâescorte de convois, la protection de zones miniĂšres, la rĂ©cupĂ©ration de cargaisons en zone hostile. Les crĂ©dits affluent, les relations se tissent, la flotte se maintient.
Des modules de lâIdris sont adaptĂ©s Ă des usages civils, d'autres sont renforcĂ©s pour lâopĂ©rationnel. Des ateliers sâinstallent dans les cales. Le vaisseau devient plus quâun outil de guerre : un espace de vie, un symbole dâunitĂ©, un foyer volant pour une communautĂ© qui sâĂ©largit. Hommes et femmes venus de Nyx, anciens pilotes, techniciens, rĂ©fugiĂ©s, rejoignent le vaisseau. Tous animĂ©s non par la vengeance, mais par la promesse dâun avenir construit Ă la main.
Pendant cette pĂ©riode, Koda Fidelis, gravement blessĂ© lors de lâabordage dans Virgil, reste en convalescence. Bien quâĂ©loignĂ© du commandement actif, il incarne une figure stable, Ă©coutĂ©e, respectĂ©e. Ses dĂ©cisions stratĂ©giques continuent de structurer lâorganisation, tandis que ses officiers assurent les opĂ©rations au quotidien.
Ă la fin de lâannĂ©e 2900, alors que lâIdris vient de rentrer dâune mission dâescorte miniĂšre sur le flanc de Delamar, un signal prioritaire parvient sur le relais longue portĂ©e. Il vient du systĂšme Castra. Une demande dâassistance militaire urgente, transmise par un canal ancien mais authentique. Il nây a pas de dĂ©tails. Juste une signature : Commandement tactique local â Situation critique â Besoin de renforts.
Dans la salle de commandement, les officiers se figent. Câest peut-ĂȘtre un piĂšge. Câest peut-ĂȘtre un appel dĂ©sespĂ©rĂ©. Mais câest aussi, peut-ĂȘtre⊠une porte entrouverte. Vers quoi ? Le Conseil ne le sait pas encore. Mais une chose est sĂ»re : ils vont rĂ©pondre.

2900 - Blocus sur Castra II
En avril 2900, le systĂšme Castra lance un appel de dĂ©tresse. Cascom (Castra II) est sous blocus orbital par une milice radicale, coupĂ©e de ses routes dâapprovisionnement. Les installations civiles sâĂ©teignent une Ă une et les rĂ©serves de nourriture sâamenuisent. LâUEE, engagĂ©e ailleurs, ne peut dĂ©ployer de flotte. Alors les autoritĂ©s locales font ce que lâhistoire ne retiendra peut-ĂȘtre jamais : elles ouvrent un canal dâurgence⊠vers les marges.
Le signal atteint une force installĂ©e dans le silence depuis des annĂ©es. Une force dont beaucoup ont oubliĂ© le nom, mais qui, en interne, nâa jamais oubliĂ© pourquoi elle sâĂ©tait levĂ©e. FidĂ©lis et son Ă©quipage rĂ©pondirent. En moins de dix heures, lâIdris, escortĂ© de chasseurs et de modules de soutien, franchit le point de saut. Ă son bord, pas dâarrogance, pas dâĂ©tendard. Seulement des Ă©quipages prĂȘts, des troupes entraĂźnĂ©es et un objectif clair : ouvrir un passage, sauver des civils, rĂ©tablir le flux vital.
Le blocus est levĂ© en moins dâune journĂ©e. Les positions ennemies sont neutralisĂ©es avec rigueur, les couloirs dĂ©gagĂ©s sans bavure. Des cargaisons dâeau, de vivres et de matĂ©riel mĂ©dical sont dĂ©posĂ©es Ă la surface. Des familles entiĂšres sont Ă©vacuĂ©es. La population acclame ceux quâelle ne connaĂźt pas, mais qui viennent de lui rendre lâoxygĂšne, la lumiĂšre et lâespoir.
Mais pour les membres de lâĂ©quipage, cette mission porte un autre poids. Quinze ans plus tĂŽt, dans un autre ciel, un autre blocus sâĂ©tait abattu : celui des Vanduuls, Ă Caliban. La guerre avait frappĂ© sans sommation, et personne nâĂ©tait venu. Aujourdâhui, câest leur tour de rompre un siĂšge, non pour se venger, mais pour rĂ©aliser exactement le destin quâils auraient souhaitĂ©.
Leur intervention, menĂ©e sans bavure, force le respect des autoritĂ©s de Castra. En remerciement, un escadron de soutien, des ingĂ©nieurs en gĂ©nie civil et un peloton dâinfanterie sont proposĂ©s Ă lâintĂ©gration. Aucun tirage au sort. Aucune solde imposĂ©e. Tous volontaires.
Quelques jours plus tard, le message est formalisé : le 1er Corps est nommé et reconnu comme entité militaire indépendante. Non affiliée, mais légitime. Pas une milice, pas un gang, pas une armée de fortune. Une compagnie militaire privée, encadrée, structurée, respectée.

2900 - 2950 lâHĂ©ritage
Entre 2900 et 2948, le 1er Corps poursuit son chemin Ă travers les systĂšmes Castra, Hadrian et Terra, intervenant sur des missions dâescorte, de protection et de sĂ©curisation humanitaire. Durant cette pĂ©riode, il devient un acteur discret mais reconnu, respectĂ© pour sa discipline, sa neutralitĂ© politique, et son efficacitĂ© sur les zones grises du contrĂŽle territorial.
Sous lâĂ©gide de Koda Fidelis, convalescent mais lucide, le Corps maintient son autonomie, sa cohĂ©rence interne, et sa ligne morale. Chaque systĂšme traversĂ© renforce sa rĂ©putation : fiable, professionnel, juste. Mais le fondateur du Corps porte en silence un fardeau physique que nul ne peut oublier.
Le 12 novembre 2948, aprĂšs des annĂ©es de complications liĂ©es Ă sa blessure subie lors de lâabordage dans Virgil, Fidelis sâĂ©teint Ă bord du vaisseau-mĂšre. Il ne laisse ni testament politique, ni cĂ©rĂ©monie publique. Seulement des mots, transmis Ă son Ă©tat-major dans ses derniĂšres heures :
« Ce que nous avons bĂąti est solide. Mais il est temps de lâagrandir.
Ce que nous avons perdu, nous devons le reprendre.
Crion nâest pas une tombe. Câest une promesse.
Des survivants y vivent peut-ĂȘtre encore. D'autres, rĂ©duits au silence. Peut-ĂȘtre Ă l'esclavage.
Nous avons fui dans la douleur, mais câest ensemble que nous reviendrons.
Non pas pour venger, mais pour fonder. Une colonie libre. Autosuffisante.
Un foyer forgé par la force du 1er Corps.
Il y a toujours un espoir.
Et câest nous qui le porterons.
Jusquâau bout.
Ad Victoriam in Flamma Gloria »
Ces mots deviennent la ligne directrice du Corps. Une vision claire : retourner sur Crion, et y fonder un nouveau foyer, libéré, indépendant, ancré dans les principes du Corps : autonomie, discipline, solidarité.
En hommage Ă cette vision, et pour assumer cette nouvelle mission, le 1er Corps adopte officiellement le nom quâon lui attribuait dĂ©jĂ depuis longtemps : 1er Corps Colonial. Ce nâest plus une simple compagnie. Câest une structure de reconquĂȘte humaine. Pas pour coloniser. Pour reprendre, libĂ©rer, reconstruire.
En 2950, le 1er Corps Colonial entre dans le systÚme Stanton, avec un objectif clair : Recruter. Former. Préparer la génération suivante. Celles et ceux qui, un jour, poseront le pied sur Crion, non pour y mourir, mais pour y vivre.
Le combat de Fidelis ne sâest pas terminĂ© avec lui. Il est devenu le serment du Corps. AD VICTORIAM IN FLAMMA GLORIA
